On apprend ce soir que c’est le soir.
Chaque soir que le soir est, Le Monde paraît.
Le Monde est perdu, dommage.
On le savait depuis longtemps, mais on le taisait, à Paris.

Le Monde, plus d’argent.

Reprenons le pot de colle et la mouche.

La mouche tombe dans le pot de colle, le sort de la mouche est réglé.

On entendra encore Bzzz bzzzz bzzzzzz
Puis silence.

Droit du pot de colle sur la mouche, suite, début, errance, et fin.

Il n’y a pas si longtemps, le journal Le Monde, la SNCF, ces grands machins connus.

Derrière trouvaille de la SNCF, faire rouler le train de nuit, le jour. C’est une trouvaille que j’aime bien.
Ou comment, une fois que l’on a érigé un pot de colle comme matière, on va en étaler partout.
Des trains de nuit, avec couchette, et tout ça de jour.

Merci SNCF de penser aux fétard/es décalé/es comme moi, c’est trop gentil.
Seulement, me taper 7 heures de train pour faire 500 km, ça ne me dit pas grand chose.

Il paraît que ce ne sera pas cher, perdu pour perdu, on peut essayer de gagner un peu quelque chose.

Je déteste les ambitions modestes, qui ne visent que la mouche.

Elles sont affreuses et laides.

Vaut mieux un peu de tenu, un peu de classe, que la ripolinade, enfin !

C’est comme ça partout, et c’est odieusement odieux de la généralisation du pot de colle.

Les mouches, lecteur, c’est toi, c’est moi, c’est nous.
Sauf,
Sauf,
et ce sauf n’est pas saint,

Sauf ceux, et celles, qui s’en exceptent.

Il en existe un certain nombre, disons, très certain même, il suffit de lire, et les pots de colle furent firent et feront et ont fait
FLORES !
… Flores, le cri de guerre des fleurs qui se mettent à plusieurs pour mettre à distance les pots de colle enrubannés.

Là, je me rappelle une souvenir, c’était mai 2007.
Mai 2007, sur son canapé, ce n’était pas agréable.

Un soir de premier tour de l’élection présidentielle, il n’a pas encore gagné, mais il sait qu’il gagnera.
C’est un drôle de moment. La circulation à Paris est fermée, comme si la Préfecture de Police de Paris, seule et unique en son genre partout en France, faisait à son ministre d’alors qui le fut plusieurs années durant, de l’Intérieur, une ultime faveur, une gageure de salut, sur la ville, un dimanche soir, encore le soir.

Et ben, il fut élu, et c’est bien dommage, rien que pour ça.

Le temps d’y croire est le plus sensible, il n’arrive pas souvent.

La définition d’un pot de colle, c’est complexe. Et puis, d’abord, on ne peut jamais définir.
Comme on physique on a inventé l’anti matière, il devrait exister l’anti pot de colle.
Mais L’anti pot de colle est quand même un pot de colle, seulement anti.
Le soucis du pot de colle, c’est comme le sparadrap du capitaine Haddock.
Ou le canard sauvage de Robert Lamoureux.
Le lundi matin, il est encore vivant.
Vous êtes chez vous, tranquillement, si vous me lisez là, c’est que vous êtes par exemple sur twitter.
Je vous y prends.
Les oiseaux chantent, on vient d’engueuler son psy pour lui dire deux secondes plus tard qu’on l’adore.
La vie quoi.
Et là, irruption sensationnelle, le pot de colle.
Le pot de colle, c’est si mielleux.
Quelques félicitations, quelques bises, quelques compliments.
Mais le pot de colle s’intercale.
L’intercalaire du pot de colle.
Je me rappelle, enfante d’une pavane qui n’est pas défunte, que les intercalaires avaient une odeur.
Une odeur très précise de composition chimique.
Une composition chimique, genre la synthèse. La synthèse pour faire du faux.
Un pot de colle, c’est toujours faux.
Mais si le pot de colle est faux, c’est une chose pardonnable – il le sait qu’il est faux, c’est impardonnable !
Un pot de colle, c’est un peu comme une cause d’un désir qui n’existe pas, sinon celui d’emporter son intime conviction à l’aune de la conviction que l’on aura emportée chez les autres.
Je sais, faut la relire la phrase. Si vous avez du mal à la lire, c’est pas plus mal. J’ai dû attendre plusieurs mois pour savoir l’écrire moi !
Conséquence, le rapport au désir du pot de colle est absent.
ça, cette phrase là, c’est l’amertume du pot de colle en travers de la bouche.
Logique tout cela, le pot, c’est un réceptacle.
La colle, c’est une affaire de convention sociale.
Le pot de colle a une composition chimique très particulière. C’est pas du gras, c’est pas des acides, c’est pas du lard, ni du cochon.
Non, c’est juste de la colle.
Les mouches généralement aiment beaucoup le pot de colle qui s’aplatit (pour ceux qui ne suivent pas, ça procède de l’anal-ogie pot de colle-intercalaire, l’aplatissement).
On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre ! Non, on les attrapes avec des pots de colle.
La mouche, maintenant.
La mouche est un insecte spécial qui tourne en rond pendant des heures en dessous, et vraiment en dessous, du lustre, du salon, l’été souvent.
Elle cherche.
Elle n’arrête pas de chercher.
A un moment de distraction, parce que l’instabilité de la mouche ne la rend malheureusement pas facile à satisfaire,
elle part vite,
elle revient sitôt parce que sceptique.
Et bzzzzz, la mouche est là, espiègle.
Des fois, elle s’abrite au chaud, à l’angle de la fenêtre et on récupère à l’asile de la pièce chauffée une mouche qui titube.
Bzzzz bzzz bzz bzzzzz sont les seuls mots qui lui reste dans son vocabulaire restreint.
La mouche, alors, et c’est là une prouesse que l’on ne comprend pas encore, va s’obstiner.
Pour le moment, voilà où nous en sommes de notre enquête.
à établir ce constat :
Le pot de colle est un gros phallus fixe qui est un gros pot de colle fixe.
La mouche est une instable par essence dont on arrive pas à connaître le sexe même en regardant avec une loupe.
A suivre, lecteurs et lectrices de ce blog.


M. Zemmour. J’écoutais distraitement ses affaires. D’une oreille, parce que je trouvais que c’était déjà comme amplement suffisant. Puis, finalement, de loin en loin, j’ai appris à être méfiante, je suis parvenue à écouter la vidéo, à m’intéresser à la polémique.

Sur Twitter, on indique la parution de cet article sur le blog de Me Eolas : http://www.maitre-eolas.fr/post/2010/03/25/On-ne-r%C3%A9pond-pas-aux-questions-qu%E2%80%99on-se-pose-pas.

Il y est écrit ceci, je cite :

Ne voit-on pas plus de blancs bourgeois revendeurs de cocaïne, d’extasy ou cannabis en correctionnelle, car fournissant des clients de leur milieu, ils se donnent rendez-vous, non sous le nez de la police, Place Stalingrad sur laquelle ils zoneraient camés, mais à l’hôtel particulier de la famille dans une Cité privée de Passy où l’on entre au volant d’une voiture luxueuse après avoir indiqué au vigile discret le nom du propriétaire auquel on rend visite ?
— Ne voit-on pas plus de blancs bourgeois revendeurs de cocaïne, d’extasy ou cannabis en correctionnelle, car opérant en appartement dans les beaux quartiers, loin de vivoter uniquement de leur deal avec comme ressource officielle au mieux le R.S.A., leur petit commerce est une récréation lucrative parallèle à une activité légale ou une visibilité sociale qui ne les rend pas suspect ?
— Ne voit-on pas plus de blancs bourgeois revendeurs de cocaïne, d’extasy ou cannabis en correctionnelle car je n’ai pas souvenir, à l’époque lointaine où j’y vivais, que le préfet de police de Paris sollicitât beaucoup de réquisitions de contrôles d’identité à la sortie des établissements de nuit sis dans les rues adjacentes aux Champs Elysées ou du côté du Polo de Bagatelle ou du Tir au pigeon, de sorte que les consommateurs de produits stupéfiants invités par les services de police à indiquer leur fournisseur sont plutôt ceux qui se fournissent chez Momo fiché à la police et opérant à la Porte de la Chapelle ?

Comme si je m’étais mise à distance de cette polémique sombre, je comprends dans l’après coup pourquoi c’était pénible de chercher à comprendre ce que M’sieur Zemmour veut dire. Je ne le comprends toujours pas, d’ailleurs, je suis bête, c’est de notoriété devenue désormais publique ! Mais en lisant ceci, là, ce fut clair. C’est comme une interprétation ça ! Comme quoi, ce qui fait interprétation, là, ici, de ma lenteur à NE PAS écouter M. Zemmour, était à portée de clic.

Sub lege libertas c’est votre nom d’auteur invité sur le blog de Me Eolas, je ne vous connais pas. Mais je peux bien vous dire comment de lire cela, ça apaise, cette précision claire.

Un matin puis suivant

février 11, 2010

Il existe aux USA une route, et je ne me rappelle plus son numéro, c’est normal, il n’est certainement plus l’heure de s’en rappeler. Un filet de goudron au froid l’hiver glacé, comme aux seules heures présentes de cet hiver qui ne finit pas -et qui ne finira pas comme ça d’ailleurs-, surchauffé par l’été, la rue immense, mais pas aussi droite que la standard 66, remonte la côte Est jusqu’à la frontière canadienne.

Il neige côte Est américaine, il neige dans les coeurs et les blondeurs des encres pâles, de qui dort dîne à qui ne dîne plus peut ne pas dormir, aux longueurs de la côte Est, les États souvenirs, et les villes nocturnes, volets fermés, Boston, New York, Philadelphie puis Washington

Le soir, enfante sans pavane, j’entendais ma mère qui allait vérifier si le garage de la maison était bien fermé, relever la machine à laver, sans rime aux sons des petites habitudes qui ne font pas peur mais que l’on ne répètera pas tant il s’agit d’un secret pour soi seul, fermer les portes de la voiture ou éteindre l’autoradio qu’elle avait oublié en entrant. Le soir, encore, j’entendais, c’était une certitude, le bourdonnement du monde. De savoir que le jour vivait ailleurs, côte Est, c’était bien, agréable, d’une douceur que l’on regrette et que l’on cherche encore. Dans les années 80. Mes années à moi, que je ne veux passer à quiconque les gâcherait. Mais on ne sait pas à l’avance. C’est avec le temps qui ne fait pas son oeuvre mais s’impose comme l’ultime filature, que l’on sait, finalement comme une déception qu’il n’existe jamais un démenti, le matin, bord de l’eau de la piscine, on se jette, il fait frais, c’est agréable, et on aimerait couler.

L’artistique déclinaison des parodies et des nuits 80, elles s’en sont allées. L’enfance tend les bras à l’enfante sans pavane, n’en reste qu’une construction que chaque matin faut refaire, reprendre, tisser, l’heure passe, la clepsydre ne fait pas de bruit, le sable use le verre qui tombe, petite à petit. Les chants s’entendent que jadis, non loin de l’aéroport où nous étions alors, les songes repartiraient au bruit des seuls moteurs.

Et il nous fallait, curieusement, croire qu’il n’y avait pas à croire, mais à se laisser porter, mutiques de nos années 80, l’enfance est un pardon initial à la vie qui suivra. La vie d’aujourd’hui à la saveur d’avaluation rend les comptes méchants et âpres, et ça passe de travers.

Il existe des guerriers qui placent leurs avions, d’autres les bombes, d’autres encore leurs bombinettes, et il existe des guerriers qui songent à la guerre qu’ils feront, comme le velours des murs qu’ils convoitent et qui n’existent plus, nul part.

Et si un mot est une musique, la confondante partie qui se joue par les phrases est de croire qu’une sonore minute émise par l’instant de comprendre saura se partager entre les êtres, à terme qu’il n’y a pas. Toujours peur de manquer, on ne trouvera que toujours les aléas des mots, c’est encore un matin, celui d’être inconnu ou de ne pas reconnaître.

Il a fallu à bien du monde faire croire par exemple que l’administration pourrait réglementer les rêves. Mais il est possible que le code pénal, le code civil, mieux, le code des baux ruraux, s’endorme le soir aussi, lorsque l’on rêve. Et à quoi rêvons nous… à quoi savons nous rêver qu’il n’y a pas à lire mais seulement déchiffrer, ou compter comme la clepsydre nous réveille au matin, épuisés, nos voitures, on repart, la langueur d’une journée qui sonnera réchauffement climatique alors qu’il y a du froid entre chaque mur, et entre chaque rue de chaque mur.

On peut bien crier famine de la chaleur d’ailleurs, le froid est là, et le pays d’où l’on vient nous manque au coeur pour nous tenir chaud parfois lorsque nous sommes si loin. Il nous arrive parfois, autrement, ailleurs, d’en rire, mais c’est différent, et c’est peut-être juste ce coeur de différence que l’on cherche à grappiller pour sautiller, saute mouton, d’une seconde vers sa suivante. Comme il est bien d’avoir une histoire. Le contraire est un cauchemar, mais mieux encore, le contraire du contraire est aussi un cauchemar. On prendra l’avion, pour certains, un nombre toujours impair de fois. Une seule signature et le passeport reconnu vogue sur les flots lorsque le bateau s’envole. C’est drôle, cette couleur orange des matins de l’été.

On peut aussi bien faire ce qui nous passe par là de faire, pleurer ou rire, pleurer et rire, singulière larme qui reprend la route, et qui roule, détale, accélère, contourne, passe outre, passe devant, double, s’épuise, recroise, ne dit rien, parce qu’il n’y a franchement rien à dire.


#EvaluerTue

février 2, 2010

Comme ça, l’évaluation, ça m’énerve au plus haut degré. Je dois dire les trésors que j’ai déployés pour ne jamais être évaluée. Mon quotidien social fut, est, et sera certainement, entièrement tourné à fuir l’évaluation, c’est un mérite de jakal1000R que de permettre de dire cela. Fuir aussi l’évaluation des petits autres qui étiquettent. Et donc, un forum où l’on va parler d »évaluation, qui dénonce l’évaluation (pour connaître le programme), ça redouble exactement ce que je déteste et à quoi j’ai tourné le dos. Et que l’on ne me dise pas que c’est une chance de faire ce choix, c’est un choix que j’ai fait (je n’ai compris ça que bien tard), et il n’est pas toujours simple. Quelques fois, j’avais plutôt l’impression de taper dans le couloir d’une issue de secours sans que personne vienne ouvrir, sans même de porte.

L’évaluateur, je ne sais pas bien comment il est fabriqué. Souvent, d’en croiser un, quelques symptômes se manifestent, et le plus long chemin est de parvenir à faire confiance en ses symptômes.

Ce que je déteste dans l’évaluation, c’est qu’il n’y a aucune place pour les drames de la vie, pour les errances de la vie, pour les couleurs de la vie, c’est à se demander si, aujourd’hui, on peut, les matins, encore être simplement mal de cette journée, là, mélancoliquement attendue et moralement épuisante. Ce que je déteste dans l’évaluation, c’est que l’on est obligé de puiser au plus profond de ses petites réserves pour simplement trouver un peu de plaisir, alors que le plaisir, dans la vie, y’a que ça. Avec la peur aussi.

Les partenaires de la vie évaluée sont nombreux, les partenaires de la vie existentielle le sont bien moins. Avec qui donc aujourd’hui ne pas parler d’évaluation. Avec qui. Sous une forme ou une autre, avec qui ?

Aux Etats-Unis, à la météo, ils indiquent deux températures. Celle du thermomètre, elle est simple, et celle que l’on ressent au travail de ses petits muscles et de son petit corps plus ou moins musclé. 25° avec 80 % d’humidité peut en effet être plus fatiguant que 35° avec une humidité plus faible. Inversement aux températures basses. C’est un exemple que l’on peut, avec des chiffres, fabriquer de quoi faire lien. Le chiffre subjectif, c’est l’invention sublime des évaluateurs.

Lorsqu’il fait froid, glagla.

Lorsqu’il fait chaud, lolo.

Glagla lolo, frigo-anesthésie ou chaleurs-sueurs, c’est une langue assez simple. A la météo, on peut ainsi chiffrer le glagla lolo. Mais ce chiffrage là, tenez donc, n’est toujours pas arrivé en France. Il existe cependant de plus en plus au Royaume de Queen Elisabeth qui boit, aussi, du Champagne Veuve Cliquot Ponsardin, c’est à noter.

La seule question qui vaille, quant au chiffrage, c’est ce comment donc est-ce que ça se fait, dites moi, que l’on soit devenus absorbés par la conviction de croire que le chiffre peut éluder le réel (pour rappel, formulation verbalisée en l’occasion du réel : Glagla lolo).  Et pire encore, le langage comme tel ne véhicule-t-il pas cette horreur, sans forcément du chiffre ?

Sur l’évaluation, on a à peu prés dit l’intégral, décliné toutes les monstruosités. Elles sont nombreuses, suffit d’ouvrir le frigo, à gogo les glagla lolo résorbés dans le chiffre !

Globalement, aujourd’hui, si un truc ne fonctionne pas, pas loin, quant on cherche un peu, il y a de l’évaluation qui se promène. Que ce soit pour les fringues en solde ou pas, les pastilles pour la gorge, le métro, l’aviation civile ou militaire, le commerce des kiwis, etc… Globalement, pour résoudre un truc qui ne fonctionne pas, à cause de l’évaluation, on va évaluer les solutions possibles, en retour inverse.

L’évaluation est-elle une mode de passage ?

On le voudrait.

L’évaluation était-elle ailleurs que là où elle est aujourd’hui massivement pratiquée et manifestement visible ?

Je voudrais dire que mon drame de la vie est celui d’un drame noué à l’évaluation. Je ne peux dire que cela, je ne peux faire que cela. J’essaie encore, c’est si étroit, et des fois je cherche le chemin, la lumière, c’est si ténu, si étroit, si mince même, si petit, si risible, que ça en fait rire tellement alors que ce n’est pas drôle, j’essaie, de petite vie minuscule, tenter mon oeuvre, qui encore, échappe à l’évaluation. Que je déteste ce mot, éval, aval, les vals, par vaux et par mont, la montagne, un peu d’eau, en descendre et marcher sur la route, le soir, lorsque les jours allongent et deviennent plus dense. Danse, danse.

Je viens de passer du temps à ruiner mon temps entre des archives d’époque, des vidéos d’antan, des photographies blanches et noires, comme si certaines époques ne valaient que blanches et noires, disons plutôt grises. Je révisais mes classiques, me promenais sans vraiment me promener, et je me rappelais, je relisais des écrits d’une époque presque oubliée, et qui le sera d’ailleurs d’autant mieux lorsque tous les professeurs d’histoire seront foutus à la porte et que ne subsistera que la voix obscène d’un animateur de colonie de vacances recruté sur l’étendue de son ignorance parce qu’il veux, justement, tiens, des vacances, venue nous lire à l’heure H la belle lettre de Guy Moquet sur circulaire ministérielle (pour ceux qui en doutent, c’est là). Je me demandais d’ailleurs pourquoi Guy Moquet. C’était ma question du jour ça : pourquoi une fixette sur Guy Moquet ?

Je me rappelais les Sudètes. Je me rappelais la militarisation de la rive gauche du Rhin. Je me rappelais la somme formidable de coups répétés qui ne faisaient jamais série dans la tête de quiconque. Je me rappelais Chamberlain, sa lâcheté en parapluie britannique. Je me rappelais le mot sublime et affreux, juste et lapidaire, de Gabriel Péri, parlant du rattachement des Sudètes : « on vient d’immoler une victime », au même moment où Blum déclarait, quant à lui, sa « douleur profonde en songeant à la nation alliée et amie qui a sacrifié à la paix une partie de son intégrité ». Je me rappelais ces petits jeux des uns et des autres à tenter de se rassurer, je me rappelais qu’ils étaient nombreux à vouloir se rassurer de la sorte, que seuls 3, dont Péri, n’ont pas voté l’approbation aux accords de Munich. Que de bêtises déversées.

Si l’on ne peut refaire l’histoire, mais seulement la lire, alors l’histoire est un désastre au point où elle se refait toujours.

Guy Moquet, évidemment, parce qu’il vient APRES. Il vient pour rectifier et noyer dans l’oubli ce qui, même à s’en rappeler, à détailler chaque instant, à ne pas lâcher une seule seconde la vérité des enchevêtrements, ne sera d’aucun enseignement.

Car, les Sudètes, finalement, ne nous apprennent rien que l’on ne sache déjà. Mais il s’ajoute à cela qu’il ne s’en transmet rien. C’est dans l’instant, contre le mur. Contre le mur du langage, non pas le mur des fusillés où c’est déjà trop tard, que ça commence déjà. Et dire seulement qu’il s’agissait, initialement, de petits coups de bluffs en petits coups de bluffs, de rustines instantanées qui bénéficieraient à faire passer la minute suivante, que les hommes des Etats signaient, signaient, et encore signaient, des petits papiers pour découper des hommes, des parcelles, des liens, comme s’il s’agissait d’un présent éternel aggloméré de ses petites minutes.

Des bêtises déversées, des enchevêtrements de bêtises déversées, des enchevêtrements d’enchevêtrements, de bêtises déversées, en conglomérats d’amas ruineux qui s’agglomèrent, diformes. C’est magique cette volonté des hommes à foncer dans le mur. C’est d’autant plus magique lorsqu’ils se mettent à plusieurs.

Il y en a bien qui ont dit non à cela, et comme toujours, on a dû les moquer, ceux-là. De qui se moque-t-on, alors ? La répétition de la lecture d’une lettre, est-ce la répétition d’une moquerie ? Je crains connaître le nom de la réponse, mais il fallait poser la question.

Alors, comment engager ce qui se transmet, lorsque l’on est marqué, à corps perdu ou défendant, par les affres d’une histoire. Lorsque nous avons connu nos Sudètes, et qu’ensuite, ce sont les mitraillés que l’on fait parler, les mensonges que l’on exhibe. Il ne s’agit bien que de l’existence, maigre et froide, des idées vagues, ce que l’on fout là, ce que l’on veut vraiment, l’avion qui fait mal aux oreilles, les soirées qui finissent par être des nuits entières et des journées qui se suivent.

Un monde sans les Sudètes, c’est un monde avec Copenhague, finalement. Il n’y a rien à espérer.

Et arrive au devant de la Cour la famille. La famille que nous avons si patiemment ignorée, que j’ai si patiemment insultée, si vertement encensée, dans un sens toujours accompagnée, dans un sens toujours seule, tant et si bien que j’en suis finalement arrivée à me dire que la famille est le lieu détestable où cependant se transmet ce qu’il n’y a pas ou ce qui manque.

Les Sudètes produisent un manque, mais ce manque n’est pas un manque des lieux ou des espaces. Un trou, pas ailleurs que dans le réel. Il n’y a que cela qui se transmet. Alors, on tourne un peu autour, on brode, on écrit, on lurke, on fume, on boit, on rêve, et puis parfois on sourit. On sourit exactement parce que ce n’est ni drôle ni absurde. On sourit lorsque l’on peut, divine enchanteresse des instants oubliés, on porte son secret, ou aussi bien l’on crie. J’oubliais. On continue aussi.

Mais franchement, ce n’est vraiment pas amusant. That’s not a play again. Juste une feuille qui vole aux vents, bulle de savon à l’étage de l’immeuble.

La juste valeur a finalement attendu le nombre des années. Un peu de neige, les trains se perdent, les avions n’atterrissent plus, les voitures se gaufrent entre elles, les routes sont impraticables. La fragilité de nos sociétés qui n’ont jamais tant fait commerce de l’imprévu et du risque que ces dernières années, mais se révèlent pour ce qu’elles sont, fragiles et essoufflées. Quelque chose a changé, et l’on cherche encore quoi.

On dit souvent que c’est le rapport à l’autorité qui a changé. Les psychanalystes invoquent le Nom-du-père, s’attristent de sa disparition -au pire- ou constatent son absence sans plus à dire -au mieux-. Il reste de cela un monde, triste.

De Copenhague à la France qui neige, des trains qui tombent en panne, aux flots de paroles des gens qui étaient si déçus de la conférence sur le climat, que reste-t-il : des tunnels qui se vident et des gens qui sont tristes. Hulot, notamment, qui se répand, d’autres encore qui disent qu’ils vont revenir, honteux, de leur Conférence, face à leurs enfants devant lesquels ils auraient voulu être fiers…

Cette nouvelle place aux enfants est celle qui fut de toutes les nouveautés la plus remarquable de Copenhague. Elle a un point de visée : elle abrutit et ajoute du mélo à la pèle.

Franchement, que Dieu m’a préservée de ne pas avoir un père qui s’excuse de son retour d’une conférence d’abrutis heureux, et me dise tristement qu’il se désole pour moi. Que Dieu m’a préservée de ne pas connaître un père qui me dise que je n’ai aucun avenir, de sa faute, à lui. La question n’est pas celle de l’autorité, elle est celle de la tristesse. Un père est inconscient. Mais si l’on ajoute au père inconscient qu’il se met à parler en conscient de sa repentance pour un avenir qui n’existe pas encore, alors le pire se conjuguera.

Le pire, ce n’est pas la chute du père. Ce sont les pères qui commencent à se prendre pour des pères, des petits chefs qui se bouffent entre eux, et, de surcroît, nous embarquent dans l’affaire.

A Copenhague, il n’y avait rien à sauver. Mais, chemin faisant, ce fut l’hécatombe de ceux, qui, du fait de ce qu’il n’y jamais eu que de rien à sauver, ils se sont mis en tête de vouloir sauver un monde dans lequel ils ne vivraient pas. Le pire a désormais un visage : celui de la mort en parole.

Mais revenons aux enfants. Nous sommes des enfants, et je peux en témoigner. Nous sommes des enfants, et, comme tels, nous ne nous défendons pas comme des adultes. De ces choses dont nous ne savons nous défendre, il y a désormais à ajouter : le monde tel qu’on le voudra pour nous.

Quelle est cette nouvelle manière de mettre les enfants en Autre de ses agissements ? M. Hulot, monstre ideux, je vous méprise de dire que vous allez revenir triste à Noël chez les vôtres parce que Copenhague fut raté. Il ne fallait pas baiser si c’était pour un résultat si moche. Quelle monstruosité que celle de vouloir donner la vie pour en parole la retirer, la critiquer, l’imposer comme spectateur à l’esprit d’un enfant. Le nouveau sujet à qui l’on suppose le savoir, l’enfant. La faiblesse de l’enfant qui sert la lâcheté des adultes. Copenhague, ou la perversion installée.

La question n’est véritablement plus du tout celle de l’autorité. La question n’est plus. Nous sommes dans l’air des réponses. Ce qui rend fou est qu’une réponse soit donnée, que l’on y ajoute en plus des larmes et du pathos, du mélo et du tremblement, pour qu’une question, celle de chaque être, soit étouffée. On ne peut même plus se demander si son père est un salaud, il anticipera déjà la réponse. Et ajoutera en plus qu’il s’en désole.

Il y a des jours comme ça, d’une immense colère et d’une immense solitude.

Au soleil de la neige qu’il n’y a pas, subsistent les trésors des souvenirs. Ceux qui passent comme une diapositive, ceux qui apparaîssent comme une photo douce, ceux qui font qu’en l’occasion, on n’y voit rien parce qu’il n’y a rien à voir, mais seulement juste assez de quoi retrouver une odeur, un souvenir.

C’est d’un ennui.

Et pourtant, on ne pourrait vivre sans.

En ce qui me concerne, je vis souvent avec. On m’en fait le reproche. Mais sur quelle planète es-tu ?

La planète sur laquelle je suis est une planète qui ne s’ignore plus, elle se connaît et se regarde, comme aujourd’hui à Copenhague.

Ouai, je sais, cette ville dont tout le monde parle, et j’en parle de nouveau.

En vrai, ce qui s’y passe me fait peur. Je ne suis pas une habile politique, et ce qui s’y passe me fait tout de même peur. J’imagine les nouveaux soviets qui vont revenir de là bas, je suppose mes amis et ceux qui le sont moins de cette école bien connue que je ne citerai pas, s’agiter à se prendre importants, à négocier sur le climat.

La négociation. Les objectifs. Les financements. Les compensations.

Je pensais que ces mots n’existaient qu’en France et je me désole de constater qu’ils existent partout. On peut prendre ça à la légère, mais, je le répète, ça me fait gravement fliper (pas le Dauphin, non, pas lui, laissons le de son côté, le pauvre).

Alors, ce qui me fait peur, d’abord, c’est cette tension. Il y a une salle, au milieu, un endroit que l’on pourrait appeler un palais des sports, puis, à l’extérieur, des gens qui veulent se faire entendre. Je ne sais pas ce qu’ils disent, mais ils veulent dire quelque chose. Je serais de celles qui pensent qu’ils veulent, tout simplement, un petit morceau du pudding. Qui un raisin confit, qui le napage glacé, qui les petites miettes… A l’intérieur, des gens très élégants qui se lèvent tôt le matin, ne font pas la fête, ne rêvent pas beaucoup, reviendront comme épuisés après une semaine d’ivresse à sauver la planète.

Et ils y croient.

Ils y croient qu’il y a quelque chose à sauver. Ils y croient et vont même nous donner des leçons. Ils veulent une sauverie humaine, comme s’ils ne croyaient plus qu’en la catastrophe finale. Mais elle a déjà eu lieu, elle a toujours lieu pour chacun, et elle aura lieu encore. Le pire, aujourd’hui, négociants et négociateurs, c’est vous qui en êtes les ambitieux pervers.

D’ailleurs, et ce n’est pas le plus mince talent de tout ce petit monde, aidé de quelques autres, c’est de nous mettre dans la caboche cabotine que les cabots sont ceux qui ne disent pas comme eux. En fait, plus hard encore, de nous mettre dans la tête que nous pourrons contrôler notre jouissance.

Ce que j’ai envie de faire se borne à l’intérêt collectif. C’est le sens même de la loi, de la juridiction si l’on veut. Or, la juridiction permet de tout dire, et déjà au moins une chose et son contraire. La loi se tourne, se retourne, se tripote, et rien n’empêche quiconque de lui échapper toujours. Je n’en fais pas un principe, je dis seulement que la loi est menteuse. Je dis simplement que le texte de la loi est menteur. Je rajoute en plus que ce mensonge, cet immense mensonge, est parfois nécessaire. De s’en excepter ou pas est une autre question qui ne concerne finalement que chacun.

Mais, à Copenhague -que le nom de cette ville est musicalement affreux- on ne parle pas de cela. On parle d’autre chose et qui se nomme le contrat. A quoi sert le contrat ? A contractualiser. C’est d’une logique… La contractualisation sert à quoi sinon justement se dispenser de la loi puisqu’il crée des régimes d’exceptions. C’est-à-dire que le contrat est bien pire qu’une loi. La loi est faite pour être tournée, selon le bon mot. C’est par son existence que l’on peut faire des choix. Mais face à contrat, par exemple de consommation d’électricité ou d’assurance ou de quantité de sucre dans les bonbons, que reste-t-il ?

Il reste des couloirs où les portes sont fermées avec en lettres grandes inscrivant sur fond blanc le mot « ISSUE DE SECOURS ». Et tout le monde s’y enfile.

Les diapositives. Ce sont celles de mon enfance, ce sont celles de mes hivers, ce sont celles de mes ivresses, ce sont celles de mes retombées d’ivresse, ce sont des images où l’on n’y voit rien, parce qu’il n’y a rien à voir. Mes diapositives ne sont pas éternelles, elles sont juste temporaires, filantes. Elles me rendent le monde et la vie supportable, elles préservent ma naïveté, hors de ces gens qui se bousculent, hors de ceux qui sortent les couvercles de miel à l’aurée des fenêtres pour les enlever ensuite.

Copenhague, ville affreuse, je te déteste et ne suis jamais allée te voir. Copenhague, ville affreuse, je te décris déjà de ne pas te connaître et te savoir pourtant. On n’ignore pas ce qui se joue chez toi. Mais on ne sait qu’après toutefois les termes du contrats que tu feras signer. Copenhague, sans eau ni calme, ville du nord sans transgression nouvelle, qu’abrites tu aujourd’hui, demain, pour nous faire peur ainsi. Quelle nouvelle foule es-tu en train de fabriquer ? Quels nouveaux mots que nous ne comprenons pas serviront à nous perdre, même avec bonheur de se dire citoyen, et même en plusieurs langues ? Sais tu que tu fais peur et que l’on s’avance à toi sur la pointe des pieds, tout doucement, qu’il ne reste plus pour se défendre ce qui ne fait pas lien, toi qui nous enchaîne ? Que restera-t-il de tes milliards de poubelles pleines, de tes avions qui vont attérir, de tes palais qui vont flamber d’activités téléphoniques vaniteuses, somnambules, juste de quoi se casser la figure en descendant les escaliers ? Copenhague, je te hais de nous pourrir l’instant, de nous faire croire que nous devons tous parler la même langue, comme ces 56 journaux qui firent le même éditorial.

Copenhague, je te tire la langue. La mienne. Comme les enfants. Parce que je ne suis pas civilisée. Je vis ailleurs, je t’échappe. Tu veux ma langue, je te tire la mienne. Regarde bien, elle n’est pas rose. Elle est, elle est… ORANGE !

Lettre ouverte à @mbelilos

décembre 14, 2009

Madame,

Vous consacrez un article à propos du référendum en Suisse qui s’est tenu le 28 novembre dernier et qui a abouti au résultat de vouloir générer une législation concernant l’interdiction légale des minarets dans la confédération helvétique.

Ce vote est le résultat de choix et de propriétés juridiques qui sont aujourd’hui totalement éludés. Les propriétés sont éludées parce qu’elles manifesteraient, autrement, les horreurs auxquelles aboutit cette manie de demander l’avis de tout le monde sur n’importe quoi, rendant d’ailleurs les experts toujours plus prépondérants.

Les propriétés, en clair, sont éludées, parce qu’il est plus confortable de faire bande et colle collante plutôt que de cibler la cause, de remonter le fil de l’histoire.

Vous prenez à votre tour position, et vous rendez complice de ce système qui vise à demander l’avis de tout le monde sur n’importe quoi puisque… vous donnez votre avis. Et comme vous vous dites orientée par la psychanalyse, sinon psychanalyste, je suis songeuse quant à la propension que vous manifestez à reconduire une erreur logique qui est la même que celle qui fut susceptible de remettre en cause l’indépendance de la pratique analytique des volontés totalitaires de la démocratie (cf le débat qui a surgi, grâce à Jacques-Alain Miller, au moment de l’amendement de M. le député Accoyer).

On ne s’autorise que de soi pour dire n’importe quoi, comme le blog de jakal1000R le rappelle en préambule. Le vote suisse est la virus tueur de ce principe libéral.

Le principe selon lequel une initiative populaire permet la tenue de n’importe quel scrutin sur n’importe quelle question renverse la charge de la preuve : on peut demander l’avis sur n’importe quoi puisqu’un vote en cautionne la substance. Le n’importe qui va voter pour en retour cautionner le n’importe quoi. C’est le procédé classique d’emporter son intime conviction lorsque l’on a, au préalable, emporté celle des autres. C’est un tour de passe passe en quelque sorte. M. Besson, en France, exploite exactement le même procédé. C’est-à-dire que lui répondre, participer au débat, sous n’importe quelle forme, revient à cautionner l’existence même d’une identité nationale… nous voilà piégés. Ne nous reste plus que le coup de téléphone à un expert.

Car, ce n’est pas la réponse qui me choque. Elle ne m’intéresse pas et je ne disserterai pas dessus. C’est le système qui fabrique du pousse à la réponse qui me fait frémir, qui me fait horreur, pour les raisons que je viens d’invoquer.

On pousse à la réponse dés lors que l’on engendre l’injonction de répondre. Pour garantir l’injonction, les termes sont connus : « un bon citoyen a des droits, mais aussi des devoirs, dont celui de voter ».

Alors, revenons aux termes de l’affaire, et faisons un peu de politique intérieure. Le comité d’initiative pour ce référendum d’initiative populaire est composé essentiellement d’élus UDC (parti de droite conservatrice pour les novices dont vous n’êtes pas, chère Madame). Des noms connus sur la scène nationale helvétique, et pas que dans leur petite province : Ulrich Schlüer, Jasmin Hutter, Oskar Freysinger, Walter Wobman, Christian Waber.

Le fonctionnement fut désarmant, c’est le cas de le dire, de simplicité. C’est souvent dans le diable que se logent les détails : c’est en mai 2007 que la sauce vinaigrette a commencé à prendre, en raison d’élections en octobre 2007.

L’intention de générer un vote pour pousser à répondre sur une question dont les iniateurs avaient la réponse a été annoncée par la fine équipe déclinée précédemment. Pour cette initiative de votation populaire, les auteurs se sont basés sur l’article 72 de la Constitution fédérale relatif à l’Eglise et l’Etat qui stipule que « dans les limites de leurs compétences respectives, la Confédération et les cantons peuvent prendre des mesures propres à maintenir la paix entre les membres des diverses communautés religieuses ». Un alinéa précisant que la construction de minarets est interdite fut proposé d’être ajouté.

Et là, deux remarques : inscrire dans la constitution un principe aussi particulariste que celui de prescrire qu’il s’agit de maintenir la paix entre les membres des diverses communautés religieuses ouvre la porte à ce que l’on finisse par légiférer sur n’importe quoi. Chaque mot est une sale embrouille dans un article pareil. De son existence, cet article constitutionnel est, en lui, une simple amorce à ce qui est arrivé à propos des minarets. Cet article est bien plus scandaleux que la réponse. Se scandaliser de la réponse, c’est déjà participer à faire consister l’ignominie de la question, sous son versant logique comme sous son versant juridique.

Comme nous le disons en droit, il a fallu que l’initiative populaire de votation prospère. Il a prospéré. Les 115 000 signatures furent recueillies (déjà, les marrons sont cuits), et, bien qu’une foultitude de responsables politiques se soient émus, la validation de l’initiative a bien eu lieu. En droit, rien ne s’y opposait. Le débat était fini.

Bien sûr, dans les médias, ou partout ailleurs, on écrase une larme sur la réponse. Mais personne ne songe à écraser son poing contre de telles procédures. Ou comment le droit est au service… au service de quoi déjà… on ne sait plus bien…

Ces procédures, ou disons mieux, ces manières, sont de plusieurs ordres : créer des principes lacunaires dans les textes juridiques, qui, en droit, ne portent rien, sinon de bonnes intentions. Permettre à n’importe qui de venir faire son nid de ces petits principes juridiques lacunaires mais si bons pour le moral.

Il y a des choses qui ne relèvent pas de la loi. En premier, la morale. Faire de la loi lorsque l’on fait de la morale, ou faire de la morale pour garnir la loi, et nous arrivons sur ce qui vient de se passer et qui procède d’une antériorité profonde… celle de nommer partout et en tout sens ce que l’on doit ou ce que l’on ne doit pas faire.

Il suffit, et la psychanalyste que vous êtes, déclarée comme telle, ne le saurait pas ? que l’on ouvre la lampe pour que le génie sorte, et on s’étonne, naturellement pour les meilleures raisons du monde, que l’on arrive pas à le remettre à sa place.

C’est touchant de naïveté, mais c’est aussi touchant d’une erreur d’appréciation magistrale.

En dernier lieu, je souhaite vous rappeler quelques petites choses : ce truc va se finir devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Heureusement. C’est peut-être le seul intérêt de l’Europe d’ailleurs cette Cour. En théorie, un tel amendement n’est pas constitutionnellement valable, suivant la CEDH. La Suisse est membre de la Cour en question. Nous verrons bien. Reste que ces référendum d’initiative populaire traduisent un manifeste non sens de l’appréciation logique des affaires d’un Etat ou de plusieurs. Traduisent que l’histoire, contrairement à ce que veulent croire les têtes bien fabriquées, ne donne aucune leçon.

Et que contient, par ailleurs, la Constitution européenne comme modalité d’expression démocratique ? Le vote d’initiative populaire, avec le même système de collectage de signatures. Formidable de jouer avec le feu, en remettant la ballon gluant à la CEDH.

Il s’agissait, en Suisse, du premier coup de boutoir. Il est à parier que nous en connaîtrons d’autres. Vous vous plaindrez lorsqu’il sera trop tard, comme vous vous plaignez dans votre article sans vous rendre compte qu’il est trop tard et que nos moyens d’action doivent changer.

Ce 14 décembre 2009,
Mariamna de Rostoll

On les reconnaît

décembre 14, 2009

On les reconnaît aux nuages sans contraste, on les reconnaît aux soleils dispersés entre les palettes blanches des rayons qui ne percent pas, on les reconnaît au sol duquel plus aucune ombre ne vient distinguer les heures qui tournent en même temps que la terre, on les reconnaît aux lueurs qui s’attristent avec les feuilles qui tombent des arbres, on les reconnaît aux pelouses qui se verdissent lorsque leur contraste s’épuise dans le froid, au bruit en loin des voitures qui passent sur la route où l’eau insaisissable assombrie le parterre. On les reconnaît parfois aux tristesses qui se ménagent un angle d’être cachées entre les néons bleuis ou verdâtres que l’on électrise au plus énigmatique des maisons, à l’heure seulement où on les habite, où l’on en habite une petite partie découpée. On les reconnaît aux perspectives brouillées par les nuages qui relèvent l’altitude sans que l’on sache s’il s’agit de la brume. On les reconnaît aux cris qui se taisent et finissent seuls comme des paroles ne parviennent pas à franchir une marche de l’escalier où bruissent des branchages vers l’été, lorsque l’orage vient de passer, à l’heure matinale du ciel juste fatigué et gris, lorsque l’on espérerait qu’il soit parti.

On les reconnaît, on n’a pas d’autre choix, ce sont des creux de nos os et coeurs et des instants de nos chagrins heureux, ce sont les chants qui ne dissimulent pas les mots, un pays où certains ne sont plus même obligés d’être prononcés, employés pour parler une foule que l’on ne connaît pas et à qui on ne s’adressera jamais, un pays où les rencontres les plus sensibles ne commencent jamais mais ont pourtant bien lieu. Ce sont des danses de nos différences entre nos vies croisées, depuis nos vies naïves, depuis le commencement, lorsque nous avons seulement réussi à glaner quelques souvenirs.

On les reconnaît lorsque le rythme est dédoublé. Lorsque les soleils sont triples, lorsque les ponts franchissent sans hauban et sans route les rivières en colère.

On les reconnaît, mais on ne sait pas mieux les dire.